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Simulation d'une technologie d'autobus hybride à pile à combustible à l'Université du Delaware

Par Ajay K. Prasad, Université du Delaware


L'autobus hybride à pile à combustible (FCHB) qui transporte les étudiants et les professeurs de l'Université du Delaware sur le campus via une voie rapide de 10 km démontre bien la puissance et les avantages de la technologie des piles à combustible. L'autobus est zéro émission et beaucoup plus silencieux que ses homologues diesel. De plus, il peut être ravitaillé et entretenu au même endroit, ce qui réduit les coûts d'infrastructure. Enfin, son design hybride série le rend particulièrement efficace pour une conduite avec des arrêts fréquents et des vitesses relativement basses sur les voies de bus urbains.

Grâce à MATLAB® et Simulink®, des chercheurs de l'Université du Delaware ont modélisé le FCHB, analysé les données issues de ses nombreux capteurs embarqués, amélioré sa stratégie de gestion de l'alimentation et acquis des connaissances clés sur l'optimisation du design des autobus à pile à combustible.

Simulink nous permet de répondre à des problèmes de design qui seraient extraordinairement coûteux à résoudre par des itérations hardware par tâtonnements. Par exemple, nous effectuons des simulations qui nous montrent comment l'autobus se comporterait si nous doublions ou triplions la taille de la stack de piles à combustible. D'autres simulations montrent ce qui se passerait si nous réduisions les 2 tonnes de batteries qui se trouvent à bord à seulement 1 tonne. Nous simulons des modifications du châssis et la répartition du poids de l'ensemble du véhicule. En analysant les résultats de ces simulations, nous pouvons déterminer quel design est le plus efficace, s'il consomme moins d'hydrogène par kilomètre parcouru ou s'il réduit la sollicitation des batteries. Nous pouvons ensuite partager nos conclusions avec le fabricant de l'autobus, Ebus, qui les utilise pour améliorer ses futurs designs.

Un effort de recherche sur plusieurs années et avec plusieurs autobus

Financé par la Federal Transit Administration, le programme FCHB a été lancé en 2005 pour développer et tester des autobus à pile à combustible et des stations à hydrogène dans le Delaware. Le premier autobus à pile à combustible a été mis en service en 2007 et le second en 2009 (figure 1). Le programme comprendra finalement quatre autobus, chacun intégrant les améliorations du design et des leçons tirées de l'expérience de son prédécesseur.

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Figure 1. Les autobus hybrides série à pile à combustible de l'Université du Delaware. En haut : phase 1 ; en bas : phase 2.

Ce qui distingue le FCHB de l'Université du Delaware des autres autobus à pile à combustible testés dans le monde, c'est son coût relativement faible. Nos autobus coûtent environ 50 % de moins que les autobus à pile à combustible de taille comparable actuellement en service, en grande partie parce que nous utilisons un design hybride série rigide. Dans ce design, la pile à combustible est utilisée principalement pour recharger la batterie, et non pour propulser directement le véhicule, ce qui nous permet d'utiliser une pile à combustible beaucoup plus petite et moins coûteuse. La stack de piles à combustible de notre premier autobus, par exemple, ne fournit que 20 kW de puissance brute, alors que des autobus comparables utilisent des stacks 5 à 10 fois plus importantes. Une pile à combustible de 20 kW (27 C.V.) fournit à peu près la même puissance qu'un moteur de tondeuse autoportée, mais elle est capable de transporter des dizaines de personnes sur le campus.

Les piles à combustible, associées à des batteries dans un design hybride série, se sont révélées tout à fait capables d'alimenter nos autobus de 6,7 m de long transportant 22 passagers assis et 10 passagers debout. Les autobus sont ravitaillés à une station à hydrogène située près du campus et exploitée par Air Liquide. Lorsqu'ils ont fait le plein et qu'ils sont chargés, les bus ont une autonomie de 290 km (180 miles).

Modélisation du premier autobus

Nous avons modélisé l'autobus et tous ses composants en utilisant une bibliothèque Simulink développée par Electric Power Research Institute (EPRI), l'un des partenaires de notre consortium. La bibliothèque LFM (Light, Fast, and Modifiable) est flexible et facilement applicable à diverses plateformes de véhicules hybrides. Grâce aux spécifications fournies par Ebus, nous avons défini les paramètres de base de référence des principaux composants du modèle, notamment le châssis, la transmission, le moteur de traction, les batteries, le système de pile à combustible et le combinateur de puissance (figure 2). Nous avons également modélisé le reste du système physique, qui comprend tous les dispositifs auxiliaires nécessaires à la stack de piles à combustible, notamment la pompe de recirculation de l'hydrogène, le compresseur d'air et la pompe de refroidissement. Chaque composant du groupe motopropulseur a environ six entrées, et le modèle complet produit plus de 30 sorties, notamment l'état de charge des batteries, la puissance de la pile à combustible, la consommation d'hydrogène et la puissance du freinage régénératif. Le modèle est complexe et sophistiqué, mais il est facile de gérer tous les sous-systèmes du système global, puisque chaque composant est capturé sous forme de bloc Simulink.

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Figure 2. Schéma bloc Simulink du groupe motopropulseur FCHB montrant les principaux composants du modèle.

Pour valider notre modèle, nous avons équipé l'autobus d'un récepteur GPS et de plus d'une douzaine de capteurs qui mesurent la tension, le courant, la température, les débits et l’humidité, à des endroits clés à bord de l’autobus, lors de chaque trajet. Nous avons ensuite simulé le même cycle de conduite dans Simulink et comparé les données mesurées avec les résultats de la simulation. Les prédictions de notre modèle ont correspondu aux données du véhicule à 5 % près, ce qui nous a convaincus que le modèle pouvait désormais être utilisé comme un outil de design fiable. De plus, nous avons analysé les données mesurées dans MATLAB pour comprendre comment les performances variaient en fonction des saisons et au fil des jours.

Amélioration de la stratégie de gestion de l'énergie

Dans un véhicule hybride, la stratégie de gestion de l'énergie détermine quels générateurs d'énergie embarqués sont actifs à un moment donné et à quel rythme ils produisent de l'énergie. Notre premier autobus était doté d'une stratégie de gestion de l'alimentation assez sommaire. Lorsque l'état de charge de la batterie tombait en dessous de 65 %, le système activait la pile à combustible pour commencer à recharger la batterie. Si le système demandait immédiatement une puissance maximale, la pile à combustible la fournissait, mais de manière inefficace car elle se trouvait en dehors de sa zone de fonctionnement optimale. L'un de nos premiers objectifs était d'améliorer cette stratégie.

Nous avons utilisé MATLAB et Simulink pour évaluer les stratégies de gestion de l'énergie qui intègrent la connaissance de l'itinéraire prévu en vue de maintenir le fonctionnement de la stack de piles à combustible plus régulièrement à son point d'efficacité maximale. Avec MATLAB, il est facile de réaliser plusieurs simulations et de modifier la stratégie ou d'autres aspects du modèle à chaque exécution. Nous avons utilisé cette approche pour identifier la stratégie qui offre la meilleure combinaison de performance et d'efficacité. Nous avons ensuite implémenté la stratégie en mettant à jour le contrôleur logique programmable (PLC) embarqué. Les simulations nous ont permis d'identifier le moment optimal pour activer la pile à combustible dans le cadre de son cycle de conduite quotidien (ce qui permet de solliciter la batterie nickel-cadmium et de conserver l'hydrogène), de sorte que la production combinée de la pile à combustible et de la batterie réponde aux besoins du véhicule pour le reste du trajet.

Améliorations sur le deuxième autobus

Les analyses de la sensibilité ont joué un rôle essentiel en nous aidant à identifier les moyens d'améliorer les performances. Chaque composant majeur du groupe motopropulseur est caractérisé par des paramètres qui peuvent potentiellement être modifiés dans de futurs designs. Nous avons développé des scripts MATLAB qui modifient ces paramètres dans le modèle Simulink de manière programmatique, en les balayant de -30 % à +30 % de leurs valeurs actuelles. Nous avons ensuite exécuté ces scripts automatiquement pour plusieurs paramètres. Une fois les simulations terminées, nous avons utilisé MATLAB pour analyser la grande quantité de données que nous avions accumulées et pour identifier et tracer les paramètres qui influencent le plus les performances.

Lorsque le constructeur a commencé à concevoir et à produire le deuxième autobus de la série, nous avions déjà beaucoup appris sur les principaux paramètres de performance, sur la dynamique de la pile à combustible et de la batterie, et sur la manière dont la pile à combustible et les batteries fonctionnent tout au long du cycle de conduite. Nos simulations ont permis de valider la décision du constructeur consistant à doubler la taille de la stack de piles à combustible pour la porter à environ 40 kW (figure 3).

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Figure 3. Stack de piles à combustible utilisé pour la phase 2.

Bien que cette modification permette de réduire la capacité de la batterie, nous avons décidé d'utiliser le même ensemble de batteries nickel-cadmium afin d'éviter un nouveau design. Le doublement de la stack de piles à combustible a fait passer la vitesse de circulation moyenne de l'autobus de 30 km/h à 56 km/h, ce qui correspond aux résultats prédits par nos simulations Simulink. Cette modification a aussi permis à l'autobus de desservir des itinéraires plus exigeants et d'emprunter des axes routiers qui requièrent des vitesses minimales plus élevées.

Nos autobus sont équipés d'un système de surveillance de la tension cellulaire (CVM) novateur, conçu et produit à l'Université du Delaware. Ce système nous donne un diagnostic très détaillé de la stack de piles à combustible, car il peut détecter des tensions trop basses ou trop élevées sur plus d'une centaine de cellules individuelles de la stack. Le système CVM scanne et enregistre ces tensions une fois par seconde. Nous pouvons suivre les résultats en temps réel grâce à une liaison cellulaire qui émet les données à un serveur dans le laboratoire, ou analyser les mesures enregistrées ultérieurement, MATLAB étant le software de choix pour l'acquisition, l'analyse et la visualisation des données.

Notre troisième autobus et les prochains

Le troisième autobus incorpore des changements de design significatifs. Comme le deuxième autobus, il sera équipé d’une stack de piles à combustible de 40 kW, mais nous remplaçons les batteries nickel-cadmium par des batteries lithium-ion, ce qui réduira le poids de l'ensemble des batteries de 2 tonnes à environ 700 kg. Les batteries lithium-ion ont une excellente durée de vie et peuvent être chargées et déchargées plus rapidement et plus fréquemment. Cela nous permettra d'explorer de nouvelles stratégies de gestion de l'énergie dans Simulink. Grâce à ces performances accrues, le groupe motopropulseur pourra entraîner un autobus plus grand et maintenir des vitesses plus élevées. Les autobus trois et quatre mesureront 9,1 m de long et transporteront jusqu'à 10 passagers de plus que les autobus de 6,7 m.

Dans le cadre des recherches en cours, l'un de nos étudiants diplômés a récemment soutenu une thèse consacrée à l'utilisation de supercondensateurs dans un système de stockage mixte avec des piles à combustible et des batteries. Il a modélisé les supercondensateurs dans Simulink et les a incorporés dans notre modèle FCHB pour simuler et tester des stratégies avancées de gestion de l'énergie qui exploitent les caractéristiques de charge et de décharge rapides des supercondensateurs. Cette étude est un excellent exemple de la valeur de Simulink dans ce domaine. Il serait excessivement coûteux et fastidieux d'explorer ce type d'idées avec du vrai hardware. Simulink permet non seulement d'explorer, mais aussi de produire des résultats très fiables. Cet étudiant diplômé a depuis été embauché par une entreprise produisant des autobus à pile à combustible en Californie, où il met à profit l'expérience qu'il a acquise dans le cadre du programme FCHB.

En tant que chercheur et membre du corps enseignant, je trouve le programme FCHB très gratifiant. Nos étudiants diplômés ont réalisé un travail remarquable, et lorsque nous voyons l'autobus traverser le campus, nous savons que les simulations ont contribué de manière significative à l'amélioration de ses performances. Il n'est pas fréquent qu'un exercice académique produise une valeur pratique aussi immédiate.

Principes de base du CCFH

Les piles à combustible sont deux à trois fois plus efficaces que les moteurs à combustion. La généralisation de leur usage réduira notre dépendance à l'égard des combustibles fossiles. Dans une pile à combustible, l'hydrogène et l'oxygène sont combinés au cours d'une réaction électrochimique qui produit de l'électricité et, comme sous-produit, de l'eau. (Nous avons fait analyser cette eau et avons constaté qu'elle était suffisamment pure pour être potable.) L'autre source d'énergie embarquée est une batterie nickel-cadmium, qui est rechargée pendant la nuit. La batterie fournit l'énergie de traction aux roues. Elle peut aussi recevoir l'énergie régénératrice des roues pendant le freinage. Ce système de propulsion hybride zéro émission est beaucoup plus propre et silencieux que les moteurs diesel et ses gaz d'échappement ne contiennent ni suie ni substances cancérigènes.

A propos de l'auteur

Le Dr Ajay K. Prasad est professeur au département de génie mécanique de l'Université du Delaware. Il est le fondateur et le directeur du Center for Fuel Cell Research. Ses recherches concernent notamment les piles à combustible pour les applications automobiles et portables, l'énergie éolienne et hydrolienne, la technologie véhicule-réseau et les bâtiments à haut rendement énergétique.

Publié 2011 - 91895v00

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