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Accélération du post-traitement des données de microscopie à force atomique tomographique avec Lidar Toolbox

Par Bryan Huey, Université du Connecticut


« En plus de simplifier des tâches telles que la réalisation de segmentation 3D, le calcul des normales et de la courbure de surface ou la détermination des dépendances le long de divers vecteurs, MATLAB et Lidar Toolbox ont réduit le temps nécessaire au post-traitement des ensembles de données TAFM de plusieurs heures à quelques minutes seulement. »

La microscopie à force atomique (AFM) est une technique fondamentale en nanotechnologie, qui permet aux chercheurs d'obtenir des informations détaillées sur la topographie de surface avec une résolution subnanométrique. Cette technique consiste à scanner un échantillon à l'aide d'une sonde pointue pour cartographier les caractéristiques de surface avec une précision exceptionnellement élevée, une capacité qui a fait de l'AFM un outil essentiel dans la science des matériaux, la physique, l'ingénierie mécanique et la biologie, entre autres domaines.

Dans l’AFM traditionnel, l’un des objectifs est de minimiser la force avec laquelle la sonde entre en contact avec le matériau, réduisant souvent cette force à de simples piconewtons. Mon groupe de recherche à l’Université du Connecticut (UConn) prend le contrepied de cette idée, en forçant la sonde à gratter ou à creuser dans l’échantillon afin que nous puissions mesurer la piézoréponse, le photocourant et d’autres propriétés des matériaux à la surface ou même en dessous. Cette nouvelle approche, connue sous le nom d’AFM tomographique (TAFM), permet la reconstruction d’une image 3D de l’échantillon, révélant des structures internes et des caractéristiques en dessous de la surfaces, indétectables par l’AFM traditionnel (Figure 1).

Figure 1. Représentation 3D d'une réponse piézoélectrique pour un nanocomposite telle que mesurée via la TAFM avec une barre d'échelle de 500 x 500 x 25 nm.

Le traitement des données TAFM comporte son propre lot de défis. L’un des problèmes majeurs est la rareté des données dans la direction z (profondeur). Contrairement aux méthodes d’imagerie conventionnelles qui acquièrent des données de manière uniforme, la TAFM génère souvent un nombre limité de points de données, distribués de manière non linéaire, en particulier le long de l’axe z. Cette distribution de données clairsemée complique le processus de reconstruction, nécessitant des méthodes de calcul sophistiquées pour interpoler et visualiser avec précision les informations manquantes à partir de milliers d'images consécutives.

Mon groupe, le HueyAFM Labs du département des sciences et de l'ingénierie des matériaux de l'UConn, a récemment mis en œuvre une nouvelle approche pour le post-traitement des données TAFM. Basé sur MATLAB®, cette nouvelle approche intègre une utilisation innovante de Lidar Toolbox™ (un produit généralement utilisé par les ingénieurs de l'automobile et d'autres industries pour le design, l'analyse et le test des systèmes de traitement lidar) dans le but d’accélérer la visualisation et l'analyse des données TAFM. Les fonctionnalités de gestion des nuages de points de Lidar Toolbox sont particulièrement utiles pour la visualisation avancée des données TAFM brutes, nous permettant de quadriller les résultats épars pour les exporter vers des piles d'images 3D. En plus de simplifier des tâches telles que la réalisation de segmentation 3D, le calcul des normales et de la courbure de surface ou la détermination des dépendances le long de divers vecteurs, MATLAB et Lidar Toolbox ont réduit le temps nécessaire au post-traitement des ensembles de données TAFM de plusieurs heures à quelques minutes seulement, ce qui a considérablement augmenté le rythme et l'impact de nos recherches.

Les défis du post-traitement traditionnel

Le microscope à force atomique que nous utilisons dans notre laboratoire (Figure 2) produit environ 100 millions de points de données pour une seule expérience tomographique. Cela comprend des mesures à plus de 10 millions de coordonnées différentes le long des directions x, y et z, avec plusieurs propriétés mesurées à chaque coordonnée, y compris, par exemple, la force, la piézoélectricité, la conductivité, la photoconductivité, le potentiel de surface, la rigidité et/ou les champs magnétiques.

Une station informatique à HueyAFM Labs qui est connectée à un AFM d'Oxford Instruments Asylum Research.

Figure 2. L'un des quatre AFM d'Oxford Instruments Asylum Research à HueyAFM Labs, UConn.

En fin de compte, nous avons besoin que nos visualisations montrent ce que l’on peut considérer comme une structure de blocs de construction colorés, où la couleur de chaque bloc (ou voxel) indique la valeur d’une propriété matérielle particulière mesurée dans ce minuscule volume d’échantillon. Les dimensions x et y de cette structure de base sont bien définies, mais la dimension z nécessite un post-traitement pour tenir compte de la rareté et de la distribution non uniforme des données qui résultent de la façon dont nous creusons finement l'échantillon au cours de nos expériences. Dans un premier temps, nous avons utilisé des algorithmes d’interpolation 3D dans MATLAB, pour post-traiter les données expérimentales en vue d’une visualisation à des profondeurs uniformes. Bien que cette approche ait fonctionné, elle a nécessité plusieurs heures de traitement en raison de la taille et de la complexité des ensembles de données.

Un nouveau cas d'utilisation pour la Lidar Toolbox

En cherchant un moyen de réduire le temps de post-traitement, j'ai eu l'idée d'utiliser les fonctionnalités de gestion des nuages de points de Lidar Toolbox, en particulier les fonctions X et Y, pour analyser les données TAFM. J'ai utilisé rmmissing pour traiter les données manquantes ou les points de données parfois masqués à des fins de recadrage, de filtrage ou de segmentation, pcdownsample pour gérer le volume de données, et pcShow pour la visualisation.

Le principal avantage de l’utilisation de Lidar Toolbox pour le post-traitement TAFM est la rapidité : nous obtenons une résultat mille fois plus rapidement qu’avec notre approche précédente. Un autre avantage est l’amélioration de la visualisation, ce qui est crucial lorsque nous explorons les données. Nous pouvons maintenant zoomer et dézoomer tout en faisant pivoter l’échantillon pour mieux visualiser le matériau et ses propriétés (Figure 3).

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Figure 3. Une vue agrandie d'une image TAFM 3D comprenant plus de 520 millions de points de données, où la couleur révèle des variations dans une réponse piézoélectrique jusqu'à une profondeur maximale de 320 nm.

Tout aussi important, notre nouvelle approche de post-traitement avec Lidar Toolbox a accru notre confiance dans notre analyse. Par exemple, avec Lidar Toolbox, nous pouvons facilement déterminer combien de points de données sont présents dans un voxel donné. De plus, nous pouvons choisir la profondeur de chaque voxel, en optimisant cette profondeur afin que la plupart des voxels contiennent au moins un point de données. En tant que chercheurs, nous avons une bien meilleure idée de la précision de nos mesures. Bien entendu, lorsque nous publions nos résultats, il est essentiel de signaler que nous ne faisons pas simplement une interpolation entre des points de données épars, mais que nous disposons plutôt de données réelles pour presque tous les voxels possibles dans le volume analysé (généralement au moins 99 %).

Prochaines étapes

L’intégration de Lidar Toolbox dans notre workflow de post-traitement a ouvert de nouvelles opportunités pour en apprendre davantage sur les matériaux que nous étudions. Par exemple, nous pouvons utiliser les positions x, y et z pour définir une surface, puis utiliser les fonctions de la Lidar Toolbox pour analyser et quantifier la courbure de cette surface (Figure 4).

Deux graphiques visualisant les courbures principales minimales et maximales d'entités telles que des pics et des vallées sur une surface dérivée de données TAFM.

Figure 4. Visualisation des deux courbures principales (κ1 à gauche et κ2 à droite) pour mieux comprendre les caractéristiques telles que les pics, les vallées et les points d’équilibre instables sur une surface dérivée des données TAFM.

Nous savons que Lidar Toolbox possède des fonctionnalités supplémentaires que nous n’avons pas encore appliquées. À l’avenir, nous prévoyons d’explorer davantage ces possibilités. Nous considérons également l’analyse automatisée de grands ensembles de données TAFM comme une étape future inévitable. La capacité d’intégrer nos activités de post-traitement et de gestion de nuages de points avec d’autres fonctionnalités de MATLAB, notamment le Machine Learning et l’IA, sera de plus en plus précieuse.

Ces avancées, ainsi que le rythme accéléré de la recherche rendu possible par MATLAB et Lidar Toolbox, contribuent à enrichir notre compréhension des propriétés des matériaux, essentielle à la performance d’une multitude de technologies vitales, telles que l’imagerie sonar et ultrasonore, les dispositifs de mémoire informatique, les capteurs MEMS et les panneaux solaires. Cette compréhension approfondie sera utile dans toutes les phases de l’ingénierie. En amont, dotés d’une connaissance aussi complète des propriétés des matériaux pouvant aller jusqu’à l’échelle nanométrique, les ingénieurs peuvent concevoir des technologies plus efficaces et plus fiables. En aval, nous pouvons évaluer de manière sélective les régions de performance élevée ou faible, suite à leur utilisation en service ou à une dégradation accélérée. Ainsi, nous pouvons optimiser la fonctionnalité et la fiabilité des solutions de nouvelle génération basées sur les matériaux, pour relever les défis d’ingénierie.

Publié en 2024

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